Ces jumeaux « explorateurs » du management
Jongny
À cette période où le personnel qualifié manque et peine à rester, les frères Sasso incitent les managers à s’adapter et à développer leur «relationnel» pour le garder. Leur boîte de conseil va jusqu’à les inviter à faire leur introspection. Portrait de deux entrepreneurs atypiques.
Patrick Combremont redaction@riviera-chablais.ch
Avec leurs moustaches soigneusement taillées et leurs costumes à carreaux impeccables, ils s’affichent à la fois tendance et sérieux, mais aussi mutins, qui se servent de leur image et de leur particularité. Car nul doute, les frères Arnaud et Nelson Sasso sont de vrais jumeaux. Ils le montrent d’ailleurs bien dans le nom de leur entreprise, «Twins Vision», et leur logo. Un double regard, mais qui reflète aussi un parcours quasi commun, presque entièrement passé dans la Riviera, depuis l’enfance à aujourd’hui. À voir les nains au bord de la pelouse et les papiers peints de nature, on se dit qu’ils ont dû garder le côté gamins qui aiment jouer les aventuriers dans les bois. Arnaud le confie d’ailleurs en souriant. «Il y a deux ans, on s’est encore construit une cabane… On a vraiment besoin de retourner régulièrement à la nature, en forêt, pour se ressourcer, et on continue à aimer explorer, découvrir, comprendre et aller jusqu’au bout des choses.» Après plusieurs expériences, les deux frangins ont lancé leur propre boîte de conseil il y a trois ans. Un défi relevé sans crainte d’aller à contre-courant d’une vision économique qui favorise souvent le profit rapide.
Ils partagent «presque» tout
Depuis petits, les deux frères, nés à Jongny, ont déjà partagé le foot – au CS La Tour – et les amis d’école, qu’ils comptent à double bien sûr. À l’adolescence, ils poursuivent les activités en commun que ce soit en montant leur groupe de musique, «Oursound», ou pour tourner un ¬ film, «Les Experts de Burier» en dvd. De père italien, ils profitent de cette double culture, en appréciant les rencontres avec la famille dans la Ligurie, et garderont aussi le goût des voyages. Après le gymnase en math-physique, puis la parenthèse de l’armée – ensemble dans la même section aérienne à Payerne – ils ont le même objectif: se former en marketing. Et surtout, passer à la pratique. Ils lancent ainsi un commerce de «Plastic Belts», un type de ceintures, avec leur stand au jazz. Une affaire qu’ils ont continué à «faire fructifier» jusqu’en 2019.
Obligés de changer
Les deux frères bifurquent ensuite dans leur itinéraire professionnel. Nelson entre chez local. ch, où il deviendra chef d’équipe, tandis qu’Arnaud est conseiller en personnel dans une société à Châtel-St-Denis, ayant jusqu’à 70 employés à gérer. Il procède aussi au recrutement de plus de 1’500 personnes. C’est là qu’ils comprennent, chacun de leur côté, toute l’importance du lien relationnel avec l’équipe. À la suite d’un changement de direction, Nelson vit le départ d’un tiers des gens de l’entreprise où il travaille et réfléchit aux solutions qui auraient permis d’éviter cette situation. Les jumeaux se retrouvent alors pour développer une méthode, la leur, de formation et de cours destinés aux managers. Ils lancent «Twins Vision» en plein Covid. «C’était un saut dans le vide, mais qui correspondait à notre côté fou-fou. Et on était tellement convaincus.» Alors que la vague du développement personnel est un peu passée, et loin des modèles économiques, n’est-ce pas difficilement reçu par les managers? «Aujourd’hui, ils n’ont pas le choix. Les gens ne veulent plus réussir leur carrière, mais leur vie. S’ils veulent trouver les bons travailleurs, et les garder, ils doivent changer», répondent-ils du tac au tac.
«Dos à dos»
À 35 ans, ayant été confrontés à des petits maux physiques différents l’un de l’autre, les frères Sasso ont aussi appris de leur parcours personnel et «de l’école de la vie». Appréciant aussi être séparés par moments, et ne partageant pas les copines, les deux frères vivent dans la même maison familiale, et aiment toujours les relations avec les amis. «En tant que jumeaux, c’est soit la fusion, soit la compétition. Nous, on est à fond dans la compétition», lance Arnaud. «Nous avons toujours été dos à dos, avec les autres autour», abonde Nelson. C’est pour cela qu’ils regrettent de voir aujourd’hui les gens «déconnectés d’eux-mêmes», et «frustrés par la dissonance qu’il y a avec ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux».